Le prix du voyage
par Batistin artisteEntre l'argent qui ne tue pas l'ennui,
et l'envie qui s'essouffle dans le labyrinthe des heures perdues,
il existe un chemin étrange et merveilleux,
celui d'avoir pour amis un chêne et une pâquerette.
Loin des hommes je navigue, heureux au fond d'avoir pu arriver,
sans plus me souvenir comment, à éviter jusqu'à aujourd'hui
l'usine et ses murs innommables, la bourse et ses rêves insensés.
Jusqu'en haut des montagnes raisonne encore le bruit rageur
des voitures qui vont et viennent de nos grottes en ciment
à nos réserves de viandes et légumes alignées dans l'acier.
Jusqu'au milieu des Mers vibre l'onde des voyages que l'on fait dans le ciel,
assis dans des tubes sans fenêtre, qui vont trop vite, toujours plus vite,
de là à ailleurs pour rattraper le temps perdu ici-bas.
Et le chêne qui attend d'être déchiqueté par une chaîne mécanique,
et la pâquerette effeuillée par un cœur sans soleil,
et moi mort pour voyager léger !
En attendant, on discute, entre amis, sans se presser de parler,
le chêne, la pâquerette et moi,
en laissant libre cours au temps qui passe,
aux idées noires, aux idées bleues,
au vent chaud qui persiste, à l'hiver à son tour,
à quelques animaux qui rampent, marchent ou volent.
Et puis reviennent encore les hommes qui pleurent, les femmes qui souffrent,
et leurs enfants hurlant depuis qu'ils sont au monde, qui ne comprennent pas,
le ticket d'entrée étant gratuit, pourquoi il faut ensuite payer pour vivre ?
Ce qui d'ailleurs fait bien rire le chêne, la pâquerette,
et même mon cousin germain, qui lui est arrivé sur Terre,
dauphin à l'Océan.
Batistin