L'expo de trop par Batistin


L'expo de trop par Batistin

Entre la Vie et le Musée d’Art Conceptuel.

 par Batistin artiste

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Dehors:
J’ai goûté du pain frais​ ​décongelé et si empli de levure ​chimique que la mie craquait​ ​plus que la croûte.
Au Musée:
J’ai ​vu du pain sec et un peu moisi transformé en "objet connecté"

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Dehors:
J’ai mangé des tomates vertes rougies en réfrigérateur et vendues “de saison” en plein hiver.​
​​Au Musée:
J’ai vu des tomates peintes sur des ​jardiniers nus et ​rougissant​s​ sous le froid des pensées.

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Dehors:​
J’ai respiré de l’air carbonique en des lieux où allumer une cigarette est répréhensible.
​​Au Musée:​
J’ai ​vu un arbre intrigué d'avoir été replanté sous un ciel de néon.

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Dehors:
J’ai attaché ma ceinture de sécurité au détriment de la protection de ma vie privée.
​​Au Musée:​ 
​J'ai vu le cul en crème glacée d'une Mona Lisa privée d'intimité​.

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Dehors:
J’ai tenté de ​me garer entre deux lignes blanches mal peintes et trop rapprochées.
​​Au Musée:​
J’ai ​tourné cent fois autour d'un cube ​gris ​fatigué de se tenir tout déplié.

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Dehors:​ ​
J​’ai réussi à convaincre mon voisin d’être plus vigilant sur notre bonne intelligence.
​​Au Musée:​
J’ai réconforté le gardien ​chapeauté, désincarné, mais dix mille fois photographié​.​

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De retour à l'atelier:
Je suis allé voir mes pinceaux et je leur ai menti.
J’ai pris un air savant devant le plus vieux,​ un manche de bois privé de poils​,​
qui ne sert plus qu’à faire des traits,​ ​des marques en creux dans la pâte colorée.

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​Au Musée:
J​’ai exposé ​le pinceau/manche, un dimanche,​ ​le matin,​ ​et des poils​ perdus, ​dans la soirée.
​L’estomac creux​, J’ai souffert en pâmoison en croisant ​le parfum entêtant​ du critique d'art.​
​L'esprit fatigué, ​J’ai creusé le fond des choses et n’y ai trouvé ​pourtant ​que le début des autres.
​Et artistiquement, ​J’ai lancé des cris stridents à vous les faire grincer.

​Mais ​rien n’y a fait, ​j'ai eu un grand succès...
C'était l'expo de trop !