Trac et amuse-gueules par Batistin


galerie d'art Trac et amuse-gueules par Batistin

Trac et amuse-gueules

 par Batistin artiste

Le Trac, vous connaissez ?
C'est une chose horrible que l'on ressent avant d'être confronté à un sympathique public
venu pour bouffer de l'artiste !
Voici une description de la chose, enfin, en tout cas comme je la ressens ..


Pendu par le cou au fil élastique de mes humeurs,
ma tête imbécile cogne au plafond de mes rêves,
d’où je retombe pour mourir étouffé.

L’espoir assassiné jour après jour me serre le cou
sous le poids du corps inutile où j’habite.
Je n’ouvre la bouche que pour y faire entrer un peu d’air,
incapable d’émettre un autre son qu’un râle d’agonie
en lieu et place de la parole.
Le câble est d’acier maintenant et va finir par me trancher la gorge.

Je rêve encore un peu et veux y croire,
tout va s’arrêter enfin, je ne souffrirai plus.
Mais la vie est là qui coule goutte-à-goutte dans mes veines
inutiles puisque du coeur aucune joie ne vient.
Chaque seconde pèse sur mes épaules d’enlisé
aux sables mouvants du désespoir.

Je ne vois plus rien si ce n’est cette grise lumière sur tout,
jusqu’à la mésange qui se mêle au bouton d’or
pour mourir dans l’herbe pâle.

Uniforme et insipide le temps s’enfuit sans moi avec les rires des passants.
Suspendue aux minutes affreuses qui m’enserrent dans leurs griffes,
ma poitrine refuse d’extirper la boule qui m’oppresse et m’écrase violemment.

J’aimerais tant mourir d’un coup.
Mais la vie est là et se plaît à continuer, sans moi.
Peu lui importe finalement que je sois avec elle,
ou que je n’y sois pas.
Le rythme idiot et implacable
qui pas à pas nous mène au grand départ
se joue du soliste inutile.
L’orchestre innombrable porte en son sein un musicien
silencieux que personne ne remarque.

À chaque mesure, le cri de douleur que lance mon ventre horrifié
est couvert d’un grand retentissement tout alentour.
Les muses m’ont quitté pour rejoindre les coeurs
et chantent à tue-tête par-dessus moi.
La vie claironne sa joie inexorable
malgré l’envie qui me vient de la quitter.
À vrai dire elle s’en fout…

D’un coup, sans savoir pourquoi vraiment,
si ce n’est peut-être l’envie idiote de rentrer dans la danse,
laissant seul le désespoir, mes pieds ont fini par toucher terre.

Le chef d’orchestre a le regard clair,
ses gestes sûrs m’ont redonné l’envie.
L’envie de croire que mon coeur ne battra pas sans moi
et que j’y serai un peu pour quelque chose.
À moins que ce ne soit la vieille assise tout à coté.
Elle m’a souri et j’aime ça !

La mésange bleue s’est envolée laissant idiot le jaune bouton d’or.
L’herbe est verte, tendre, pourtant le ciel est noir et étoilé.
La vie est là si forte, si puissante,
qu’aucune couleur ne résiste à l’envie d’éclater, malgré la nuit !
La douleur enfuie, la douceur revenue,
rien ne retient plus l’orchestre implacable
qui renonce à l’ennui d’un répétitif mouvement.

L’agréable haleine des anges
et les harpes célestes m’accompagnent,
soliste infernal et content de moi.

Je m’aime à nouveau. La vie est de retour.
Me voilà fin prêt pour affronter le buffet d’amuse-gueules
que l’on offre en ouverture de toute exposition,
« en présence de l’artiste » !

batistin.com